Oh ! combien il est difficile de parler de soi, de son intimité, de ses goûts, de ses envies, de ses fantasmes et de ses doutes, de révéler les profondeurs de son âme !... Tout aussi malaisée, par ailleurs, est la présentation de son propre travail. L’ostentation ou la dépréciation en sont les risques. Le juste milieu est un étroit sentier au parcours différent pour le créateur et pour le spectateur. De surcroît, les relations entre l’artiste et son art sont complexes : jouissance et déceptions se côtoient … Incertitudes, hésitations, doutes sont les épines de la création ; passion et sentiments en sont la force motrice. Tout cela est le froment, la glaise qui enfantent l’œuvre d’art. La joie, la jouissance rayonnent lorsque la toile, sous l’action du pinceau vibre de toutes ses couleurs, quand le roc prend forme sous les coups du burin ou ce qui n’était que rebut industriel devient œuvre reconnue . Alors Pygmalion est en extase devant Galatée ! Ivresse de la création !
Né dans la ville de Cézanne, je vis et travaille à Eyguières, village des Alpilles. Quelques tableaux sans grande valeur accrochés aux murs de la maison familiale furent mon premier contact avec l’art. Orphelin à 13 ans d’un père handicapé, ma sensibilité a été mise à rude épreuve, sillon toujours béant. Cette absence a-t-elle été à l’origine de cette affectivité pour l’art et l’acte de création ? Je ne saurais l’affirmer.
Des études secondaires techniques, puis supérieures scientifiques ont fait de moi un touche-à-tout. Je m’intéresse très tôt à la bibliophilie, à l’astronomie, à l’archéologie, à la géologie, à l’histoire des sciences, à l’histoire de l’art …
Adolescent, mon premier argent de poche me permet d’acquérir quelques objets sur le marché aux puces d’Aix : prémices d’une collection révélant un éclectisme dans mes choix, à l’image de mes futures créations. Au début des années 70, après deux saisons en stage chez un relieur cévenol, je plonge dans cette excellente et minutieuse occupation qu’est l’embellissement du livre … Rêve de tout bibliophile.
Dans les années 90 et deux années durant, j’assiste, en auditeur libre, aux cours d’histoire de l’art à la Faculté des Sciences Humaines d’Aix-en-Provence afin de combler partiellement quelques lacunes … Mon esprit ouvert à toutes les notions et à toutes les impressions, mais parfois désordonné a-t-il lui aussi contribué à l’ajout d’un maillon à ce qui est devenu , à la fois collection et production ? Cet esprit, vagabond, excessif, parfois confus, ne se libérant que partiellement d’un certain syncrétisme, m’entraîne vers d’autres horizons. Dans ce chaudron effervescent, manquait un ingrédient. Défiler devant des tableaux, des sculptures dans les musées ou devant les cimaises des galeries ne me suffisait plus …
Après dix ans de pratique de la reliure, je raccroche. Durant deux ans, j’ai l’opportunité de travailler avec le peintre Michel RACOIS qui, avec pédagogie et compétence, m’enseigne toutes les ficelles du métier d’artiste.
La traversée du miroir a lieu !
L’abstraction et le nu sont mes sujets favoris. Le métal viendra plus tard, bien que les encres typographiques et les acryliques sur plaques métalliques apparaissent très tôt dans mon travail, dans les années 80.Trop contraignante dans l’exécution, la reliure ne me permettait pas de m’exprimer pleinement. Très gestuelle, ma peinture a été une sorte de libération. La grâce des courbes par le mouvement, l’éclat des couleurs, la sensualité de la matière travaillée… m’ont conduit rapidement à m’intéresser au nu. La Femme a été très présente dans mes créations, elle l’est toujours dans mes dessins au fusain. Son corps, musique, harmonie, souplesse, rondeurs, mais aussi source d’inspiration et de créativité expressionniste, est parfois dans mon œuvre transmutée sans égard…
Mon deuxième sujet de prédilection est l’abstraction. Libération par le geste, libération du geste, c’est une dynamique interne qui m’anime. L’œuvre n’est alors plus faussée par le dioptre de la figuration. L’ouvrage est pour moi une renaissance, une nouvelle vision, une transfiguration de la réalité. C’est un voyage de l’inconscient ou un voyage dans l’inconscient : les deux certainement. Impression spontanée, lyrique, dionysiaque dans mes peintures, l’abstraction s’introduit avec la rigueur apollinienne dans mes assemblages métalliques ou dans mes installations. Cet attrait pour le métal a-t-il pris naissance dans la petite boutique de bijouterie que mes parents, puis, à partir de 1956 ma mère seule, tenaient dans le bourg de Gardanne ? Pour la petite histoire, la boutique se situait à une centaine de mètres seulement de la maison qu’occupait Cézanne en 1886 ! Ou bien, cette aptitude pour le travail du métal trouve-t-elle son origine au cours de mes études au collège technique d’Aix-en-Provence ? Sans doute ces deux situations ont-elles nourri mon esprit curieux et créatif.
En 1996 et 1997, j’expose durant deux années mes nus sur les cimaises d’une galerie de Saint-Paul-de-Vence. Le galeriste, Monégasque, me propose de participer au concours organisé par la Principauté à l’occasion de ses 700 ans d’existence. Le virage est alors bien amorcé. Finaliste avec une œuvre magistrale - figurative mais de facture contemporaine composée de 35 kg d’inox, de cuir et de plexiglas -, je suis écarté au bénéfice de l’artiste monégasque de renom international : FOLON… Peut-être n’étais-je pas assez connu ?...
Le métal prend alors le pas sur la peinture. Aluminium, titane, cuivre, laiton, inox… mais aussi plexiglas, bois, cuir… sont les matériaux enrichissant mes œuvres, qui, dorénavant sont essentiellement des assemblages, œuvres tridimensionnelles.
Les pierres de l’édifice ? Ce sont les «déchets» de l’industrie : tubes, tôles, plaques, profilés métalliques… entreposés dans le fond de mon atelier durant plusieurs mois, voire plusieurs années. Un jour le déclic intervient…Je me laisse alors guider par les formes. La matière précède l’idée. Je donne ainsi une nouvelle vie à des matériaux de rebut, voués au recyclage. Les contrastes de matière sont souvent recherchés : bois - métal, cuir - métal, acier poli - plaques travaillées à la disqueuse, ce qui permet de jouer avec la lumière… La création devient une écriture, un médiateur entre la matière et la pensée. J’exprime ma vision du monde avec ses contrastes, ses ambiguïtés, ses interrogations, ses affirmations, sa diversité, ses souffrances… Telle est mon œuvre. Elle est aussi lieu d’échange entre le créateur et le spectateur. Chacun, avec ses fantasmes, son vécu, son imagination, sa sensibilité, son émotion, ses joies et ses peines, transfigure et s’approprie à sa façon ce qui est métal, bois, cuir, peinture…
Poète à mes heures, la création plastique n’est-elle pas elle aussi une poésie ? Osmose entre formes et couleurs, c’est un lieu d’évasion, une échappatoire aux réalités, une fenêtre ouverte sur l’irrationnel, une mise en scène mystique. Ma création artistique est tout cela à la fois.
« Artiste, moi ? Non ! Alchimiste plutôt ! »
Mes œuvres ont été exposées à Paris, Marseille, Aix-en-Provence,
La Rochelle, Royan, Salon-de-Provence, Saint-Rémy, Gordes, Saint-Paul-de-Vence, Avignon… mais aussi à New York, Malaga, Barcelone, Lisbonne, Anvers, Bruxelles, Amsterdam, Bâle, Lucerne, Monaco…